Contexte historique

 Les troupes antagonistes s’enterrent dans des tranchées qui courent de la mer du Nord aux massifs des Vosges. Ce changement considérable, dans la nature des combats, va entraîner des modifications dans l’emploi des armes, accroissant notamment le rôle de l’artillerie. Avant les assauts, le pilonnage des tranchées adverses, la nécessité de détruire les réseaux de barbelés exigent de longues préparations d’artillerie dont il faut, au préalable régler rigoureusement le tir. Inversement, il est indispensable de repérer les batteries adverses pour les anéantir. L’avion est seul capable, avec l’aérostat, d’avoir une vue générale du champ de bataille.

Les missions d’observation et de reconnaissance sont encore prédominantes mais les combats individuels s’intensifient et le bombardement se développe. On assiste à un début de spécialisation, issue de l’expérience des pilotes, mais aussi de la nouvelle politique, qui tend à substituer l’improvisation du départ à un début d’une organisation plus rationnelle. Le commandant Barès, nommé directeur du service aéronautique du GQG après la bataille de la Marne, a proposé au Général Joffre, un premier plan destiné à augmenter le nombre d’escadrilles et à limiter les types de matériels à quatre. Ce programme, réalisé en mars 1915, mettra en service 390 avions. Mais, en dépit de ces progrès, les problèmes demeurent car ils sont structurels, à savoir l’absence de cohésion entre l’avant, représenté par le GQG qui doit résoudre les problèmes concrets et quotidiens de la guerre, et l’arrière, représenté par la direction de l’aéronautique chargée de pourvoir aux besoins du front. Parce qu’ils ont une vision des choses différentes, l’incompréhension et la mésentente s’installent, ce qui nuit à l’efficacité de leur action. Dès l’été 1915, afin de remédier aux insuffisances du matériel français qui tiennent au manque de rationalisation de l’effort de guerre, le parlement crée un sous secrétariat d’état à l’Aéronautique, réalisant l’unité de commandement entre l’avant et l’arrière.

 

Opérations militaires

C’est lors de l’offensive de Champagne et d’Artois, du 25 septembre 1915, que les observateurs aériens vont particulièrement se distinguer. Pour la première fois, les Français disposaient d’artillerie à longue portée tirant jusqu’à 6 kms à l’intérieur des lignes ennemies. L’aviation remplit admirablement le rôle qui lui avait été assigné, d’une part en permettant la neutralisation de l’artillerie adverse au moment de l’attaque, et d’autre part en renseignant le commandement sur les positions respectives des corps d’armée, au cours du combat.

La nécessité d’empêcher les incursions des avions ennemies dans les lignes françaises, de protéger les avions de d’observation et de bombardement, va amener la poursuite des combats singuliers de 1914. La 1ère escadrille de chasse est formée, par le commandant de Rose, avec l’escadrille 12 de la 5e armée. L’armement a fait des progrès. La mitrailleuse est couramment utilisée. Elle est installée à l’avant de l’avion, au-dessus du disque de rotation de l’hélice. Mais ce système présente des inconvénients dus à la résistance de l’air et à la difficulté pour le pilote de recharger son arme. Une amélioration considérable fut amenée par Roland Garros qui, de sa propre initiative, fit équiper un déflecteur pare-balle sur l’hélice sur son « MS type N », déviant la balle hors du champ de l’hélice. Ce sont les Allemands, avec le néerlandais Anthony Fokker, qui trouvent la synchronisation de la mitrailleuse avec l’hélice. En automne 1915, la sortie du « Fokker EIII », avec sa puissance de feu incomparable (plusieurs centaines de cartouches en cadence rapide alors que le Nieuport 11 « bébé » débite lentement 25 cartouches), écrase la chasse française naissante. Les armées alliées n’arriveront à résoudre le problème de la synchronisation de l’hélice qu’au début de 1916.

C’est au commandement de Goys, ancien collaborateur de Barès, de réorganiser le bombardement. Le commandement sait désormais que la guerre sera longue. Il faut donc essayer de ruiner l’industrie de guerre des Allemands, en organisant des raids massifs. On crée alors le lance-bombes qui permet de ranger les obus dans des casiers qui s’ouvrent par un simple déclic. De surcroit, les obus peuvent être d’un poids plus important (40kg), ce qui augmente le pouvoir destructeur. En mai 1915, le GB1 est constitué comprenant trois escadrilles plus un parc de ravitaillement. Plusieurs raids s’effectuent avec succès et les GB2, GB3, GB4 sont créés. Malheureusement l’arrivée du « Fokker EIII » relègue le bombardement au bombardement de nuit. Il faudra attendre 1917,avec l’arrivée du « BR XIV », pour reprendre le bombardement de jour.

 

Matériels en service

En ce qui concerne l’observation, on peut dire que les appareils ne répondent plus aux besoins. Il existe un décalage de six mois entre la conception et le premier prototype. Les avions sont trop lents en montée et en vitesse, faute d’un moteur assez puissant. Ils sont vulnérables, d’autant plus qu’avec les hélices propulsives, les avions sont désarmés vers l’arrière. Ils sont donc une proie facile pour les nouveaux « Fokker EIII » qui surclassent tous les appareils à hélice propulsive.  Malgré cet handicap, de gros progrès sont réalisés tant dans la photographie aérienne que dans le réglage et le repérage d’artillerie, avec l’utilisation de la TSF (les avions ne possédant qu’un émetteur).

En ce qui concerne le bombardement, le nouveau programme, établi en janvier 1915, par le commandant Barès prévoit 21 escadrilles spécialisées dans ce genre de mission. La 1e escadrille de bombardement (VB1) est équipée de Voisin robuste à moteur Canton-Unné mais lent (95 km/h). Peu de progrès sur les projectiles, on les lance toujours par-dessus bord. Le bombardement se fait toujours individuellement. « Pour l’anecdote, quand on lisait dans un communiqué : Une escadrille de 7 avions a bombardé tel site, il fallait se représenter le défilé de sept avions se succédant au cours de la journée au-dessus de l’objectif. »

Les responsables français, conscients de ces lacunes, lancent un plan de renouvellement à l’automne 1915 :   nouveau moteur plus puissant Hispano-Suiza, synchronisation mitrailleuse-hélice et remplacement des mitrailleuses Hotchkiss par des Lewis à 47 cartouches (au lieu de 25).

 

 

Bibliographie

  • Icare : l’aéronautique militaire française 1914-1918, tome 1 par Simone Pesquiès-Courbier
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