1. Premiers combats à partir de l’Angleterre
En janvier 1942, le groupe de chasse « Ile de France » part à Glasgow pour y être transformé sur Spitfire Vb. Enfin, en avril, le groupe quitte les brumes écossaises pour s’installer dans le sud de l’Angleterre où il est intégré au Fighter Group 11 de la RAF, formation célèbre depuis la bataille d’Angleterre engagée presque chaque jour avec la Luftwaffe. L’« Ile de France » effectue sa première mission de guerre le 10 avril 1942, participe à l’opération de Dieppe en août, déménage sur la base de Biggin Hill en septembre et effectue de nombreuses opérations au-dessus de la Normandie et du nord de la France. A la fin de 1942 le groupe a déjà perdu 16 pilotes, ce qui montre l’acharnement des combats auxquels le groupe a pris part.
2. Premiers combats en Lybie
Le 19 janvier, le groupe de chasse « Alsace » part sans avions de Rayack au Liban à Ismaïlia en Egypte où attendent des Hurricanes Mk1, passablement fatigués, avec lesquels les pilotes s’entraînent pendant 3 mois avant que le groupe puisse être déclaré opérationnel. Le départ pour le front libyen commence le 13 avril. Les rencontres avec la Luftwaffe sont rares et couronnées de peu de succès. Le 30 mai, Tulasne quitte le groupe avec 5 autres pilotes pour former le futur groupe de chasse n° 3 « Normandie » qui partira en Russie. Cependant la retraite précipitée de la 8e armée britannique face à l’Afrika Korps de Rommel porte le groupe en première ligne dès le mois de juin. Le groupe est alors attaché au squadron 80 de la RAF, se bat jusqu’en septembre et remporte sa première victoire sur un Me109F. L’élan allemand est brisé devant El Alamein et le groupe est alors affecté à la défense du port d’Alexandrie jusqu’au début septembre. Au Caire, le 8 septembre, le groupe rend ses avions et repart se reposer à Rayak au Liban en attendant d’embarquer en octobre pour l’Ecosse.
Le groupe de bombardement « Lorraine », stationné sur les terrains de Damas et Rayack, assurent diverses taches : Missions de surveillance, de convoyage d’avions entre les Indes et l’Afrique noire. En octobre, le groupe est transféré en Ecosse pour y être transformé sur Boston IIIA. Le voyage ne s’effectue pas sans histoire car l’un des trois bateaux de transport est torpillé et coulé. Le groupe est alors renforcé par des pilotes formés au Canada et des navigateurs formés en Angleterre.
Il existe aussi une escadrille de police et de sécurité du Levant. Elle est dotée de Potez 63 et de Potez 25, et deviendra le GB 1/17 « Picardie » en juin 1943.
3. La deuxième campagne de Leclerc dans le Fezzan
Tous les préparatifs annonciateurs d’une nouvelle campagne sont le prélude à la formation d’un groupe aérien supplémentaire. Il est officiellement mis sur pied le 1er janvier 1942 à Fort-Lamy et prend le nom de « Bretagne ». La 1ère escadrille « Nantes » prend en charge les 3 Glenn restant et le Potez 540 et la 2ème escadrille « Rennes » 6 lysanders et 3 Potez 29. Alors que tous les éléments sont réunis pour que Leclerc puisse lancer une nouvelle campagne dans le sud de la Libye, la situation a beaucoup évolué en Cyrénaïque. L’arrivée de l’Afrika Korps de Rommel a changé la donne et désormais les Britanniques refluent vers l’Egypte. Compte tenu de la faiblesse des moyens engagés par les Français, la réussite de l’opération est conditionnée à la fixation des forces de l’Axe sur le littoral méditerranéen. Un événement va précipiter l’offensive de Leclerc. Le 22 janvier 1942 Fort-Lamy est bombardé par un He 111 isolé et 200.000 litres de carburant partent en fumée. Pour éviter que pareil incident ne se renouvelle, Leclerc décide de nettoyer le sud de la Lybie, sans intention de les occuper définitivement pour des raisons d’intendance.
Au sein du « Bretagne », les tâches sont clairement réparties. Les Glenn GM167F effectuent les reconnaissances lointaines, les Lysander réalisent les missions d’appui rapproché (reconnaissance et bombardement) et les Potez s’occupent des liaisons et du transport. La campagne dure 8 jours du 1er au 8 mars 1942 et Leclerc atteint ses objectifs dans le Fezzan. Le « Bretagne » se replie sur Fort-Lamy puis s’installe à Mous Soro où le groupe rentre en léthargie et se consacre à l’entraînement. En septembre, il reçoit un renfort de 5 Blenheims appréciés car il ne reste que 2 Glenn disponibles.
La victoire britannique d’El Alamein, en octobre 1942, ouvre de nouvelles perspectives au colonel Leclerc. Cette fois, il peut mettre son plan à exécution et remonter par le sud Libyen afin de faire sa jonction avec les forces alliées qui approchent de la Tunisie par le long des côtes du nord.
Accessoirement cette offensive permet de capturer les bases italiennes aux frontières de l’AEF. Le 1er décembre, le groupe « Bretagne » se pose à Zouar avec 4 Lysander, 2 Glenn et 5 Blenheims en vue d’une nouvelle opération. Sa mission est de s’occuper en priorité des Sahariana : groupes italiens autonomes, motorisés, très mobiles et appuyés par l’aviation. En fait c’est l’aviation italienne qui entre en jeu la première en bombardant les troupes françaises.
Finalement, entre le 24 décembre et le 22 janvier le groupe effectue 28 missions de guerre. Le 9 janvier, le capitaine Mahé effectue sur Glenn un fait d’armes exceptionnel : Il surprend la garnison italienne de l’oasis de Mourzouk en retraite, la mitraille et la somme de se rendre par message lesté, Répondant OK avec des pierres alignés sur le sable les 140 hommes se rendent. Le Glenn se pose alors et attend une patrouille avancée des forces de Leclerc. Leclerc a rejoint la 8ème armée britannique le 23 janvier, à Tripoli. La question se pose maintenant de savoir ce qui va advenir du « Bretagne ». En attendant que leur sort soit réglé les pilotes se distraient comme ils peuvent en pilotant le Fiat CR42 récupéré à Sebha.
4. En Afrique Equatoriale Française
Le groupe aérien de défense côtière (GADC) est constitué le 3 août 1942. Ses deux escadrilles sont formées à partir du détachement d’aviation du Cameroun, du Gabon et du Moyen-Congo et équipées de trois Lysander chacune. Elles sont stationnées à Pointe-Noire et à Douala et sont chargées de faire la chasse aux sous-marins allemands opérant dans le golfe de Guinée et de protéger les convois maritimes. Il sera rebaptisé groupe 1/16 « Artois » en janvier 1943.
5. Départ en Union soviétique
A la suite du rapport de l’ancien attaché de l’Air à Moscou, expliquant que les Russes sont favorables à accueillir des combattants français, le chef du service des renseignements des FAFL rédige immédiatement un rapport pour Valin et De Gaulle. Ceux-ci, très favorables, contactent l’attaché militaire soviétique en Grande-Bretagne et proposent l’envoi d’un groupe de chasse en Union soviétique. Ceci semble beaucoup plus facile à réaliser que d’envoyer une division d’infanterie légère d’autant que de nombreux pilotes français ne peuvent pas entrer dans la RAF faute d’une pratique suffisante de l’Anglais. Après de multiples négociations entre les Anglais, les Russes, les Américains et les Français, De Gaulle donne l’ordre le 10 juillet 1942 de former l’unité sur la base des propositions soviétiques. Le Groupe de chasse « Normandie » est alors formé à Rayack où les équipages sont regroupés. Les pilotes, combattant dans la RAF et venant d’Angleterre, arrivent en septembre, rejoignant ceux qui proviennent de Syrie et plus particulièrement des groupes « Alsace » et « Lorraine » : Le commandement est assumé par l’équipe Pouliquen-Tulasne. Les 14 pilotes et 47 mécaniciens arrivent en décembre à Ivanovo, à 250 kms au nord-est de Moscou, où le commandement soviétique leur délivre une carte d’identité en russe avec l’entête « Armée de la France Combattante » (nouveau nom donné à la France Libre pour marquer son union avec la résistance intérieure).
6. Les anglais libèrent Madagascar
L’EC 565, de l’armée vichyste, est créée en janvier 1941 et affronte les Anglais avec 17 MS 406 en mai 1942. Si un Grumman Martlet est abattu, les Morane ne font pas le poids et ils sont tous descendus avant l’Armistice du 6 novembre 1942.
7. Les Alliés libèrent l’Afrique du Nord
Les Anglo-américains débarquent, le 8 novembre 1942, au Maroc et en Algérie pour couper les arrières de l’Afrika Korps du maréchal Rommel et lui interdire toute possibilité de réembarquement par la Tunisie.
La situation politique est compliquée en AFN. Le général Mendigal, commandant en chef des forces aériennes d’Afrique du Nord de Vichy est maintenu à son poste, bien qu’il ait donné l’ordre de tirer sur les alliés. Le général Giraud, le poulain des américains, est nommé commandant en chef des forces terrestres et aériennes et les Gaullistes ont du mal à affirmer leur légitimité. Pendant ce temps, l’Afrique Occidentale Française (AOF) s’est rangée sous la bannière de De Gaulle. De plus, les alliés manifestent une certaine réticence à l’égard des initiatives de Leclerc dans le Fezzan car elles apparaissent comme une lutte de pouvoir entre l’état-major d’Alger et celui de Londres pour le contrôle des forces françaises.
La création des Forces Aériennes Françaises, qui fera suite au cessez-le-feu et à la fusion des FAFL avec l’aviation d’Armistice, entraîneront d’importants bouleversements dans les unités.
La défense de l’AFN par l’Aviation d’Armistice
L’armée de l’air dispose sur place d’une vingtaine de groupes dont sept de chasse (D520, H75, Potez631), neuf de bombardement (GM167F, Léo451, DB7), quatre de reconnaissance (Bloch174, Bloch175, Potez63-11) auxquels s’ajoutent quelques groupes de transport (F222, Po29, Amiot143, Amiot354, Po650, Po540) et des unités de l’aéronautique navale (Laté298, LeO451).
En détail, cela donne :
MAROC : GC1/5, GC2/5, GT1/15, GT3/15, GR1/22, GR1/52, GB1/23, GB2/23, GB1/32, GB2/32, Flottille 1F et Flottille 3F
ALGERIE : GC1/2, GC1/3, GC2/3, GC3/6, GT2/15, GR1/36, GR2/52, GB1/11, GB1/19, GB2/61, Flottille 4F et Flottille 5F
TUNISIE: GC2/7, GR2/33, GB1/25, GB2/25, ECN3/13, Esc 1E
AOF : GC1/4 , GC2/6, GB1/62, GB2/62, GB1/63, GB2/63, Flottille 2F, Flottille 7F, Esc 4E
Ces formations sont non seulement sous-équipées, mais leurs avions ne sont pas en mesure d’affronter efficacement les avions embarqués alliés. A ces avions de combat, comptant pour un peu plus de 400, s’ajoutent les avions destinés à l’entraînement, aux liaisons et aux servitudes, portant les effectifs totaux à quelques 700 machines. Ces chiffres sont trompeurs car la situation matérielle est préoccupante. En lui supprimant de façon presque totale les avions de remplacement et les moyens techniques de soutien, les Allemands et les Italiens l’avaient condamnée à une lente agonie.
Cette aviation est, tout à la fois, antigaulliste, antibritannique et antiallemande. Les officiers aviateurs se montrent, en majorité, hostiles à la France Libre dans laquelle ils discernent une organisation dissidente, un repaire de rebelles, une antithèse de l’esprit d’attachement à l’autorité légale. Favorables à l’Etat français, ils n’en sont pas moins animés par la volonté de libérer un jour la métropole de l’emprise allemande. Antibritanniques, ils le sont à coup sûr car une partie des unités engagées en Syrie et au Liban provenait d’Afrique du Nord et les hommes en avaient gardé un souvenir cuisant et amer. Les alliés ne s’y sont pas trompés lorsque, à la veille de l’opération « Torch », ils ont décidé d’apposer des cocardes américaines sur tous les avions engagés.
Les opérations pendant le débarquement des alliés
Le débarquement n’est qu’une demi-surprise car de nombreux convois ont été détectés début novembre autour de Gibraltar.
Dès le lever du jour du 8 novembre, les villes de Casablanca, Rabat, Oran et Alger sont bombardés et les groupes de chasse 1/5, 2/5, 3/3, 2/3, et 3/6 sont tenus prêts à décoller au premier signal. Cependant les chasseurs lourds américains, surgissant de la mer s’en prennent aux bases de Casablanca, Rabat et Oran et y détruisent de nombreux appareils au sol. La seule importante opération offensive de l’armée de l’air, au cours de cette journée, est un bombardement des troupes américaines en cours de débarquement au Maroc, avec 12 bombardiers du 2/23 et du 1/32 protégés par 13 chasseurs des 1/5 et 2/5. Le bilan de la journée est édifiant : 12 avions abattus en combat aérien. Le 9 novembre, les missions reprennent lorsque des chasseurs du 2/5 mitraillent des navires américains suivis par 13 appareils des GB2/23 et 1/32 protégés par 15 chasseurs du 1/5 qui abattent 4 Grumman Martlet.
Dans la matinée du 10 novembre, les accords Clark-Darlan permettent d’arrêter les combats. 472 avions ont été détruits, la plupart au sol. Le 11 au matin il ne reste guère que 250 avions disponibles. L’armée de terre a perdu quelques milliers d’hommes et la Marine a vu sombrer le croiseur Primauguet, cinq sous-marins et le cuirassé Jean-Bart. Les pertes anglo-américaines sont de 27 avions abattus en combat aérien.
Il est courant, qu’entre soldats qui se sont courageusement et loyalement combattus, naisse et subsiste un sentiment d’estime réciproque. C’est ainsi que toutes les bases aériennes du protectorat, Meknès, Fès, Marrakech, Agadir et Casablanca reçoivent le même traitement, en cohabitant dans les meilleures conditions avec les Américains. En Algérie la situation est toute différente, alors qu’il n’y a eu que peu de combats, les groupes aériens se replie dans le sud de l’Atlas, cédant la place aux Américains.
L’aide matérielle anglo-américain :
La reconstitution et le réarmement n’est possible qu’avec le concours des alliés. L’entrevue secrète de Cherchell du 23 octobre 1942 entre les représentants du commandement américain et le délégué du Général Giraud, le général Mast, constitue le point de départ de l’aide matérielle alliée.
Les Américains s’engagent à rééquiper les unités françaises d’Afrique. La conférence d’Anfa (Maroc) en janvier 1943 a concrétisé ces propositions. Le président Roosevelt fixe à 1000 avions (500 chasseurs, 300 bombardiers, 200 transports) soit une force capable de soutenir 8 divisions d’infanterie et 3 divisions blindées. De son côté, Churchill promet la cession d’un certain nombre d’appareils britanniques prélevés localement, juste de quoi équiper 3 groupes de chasse.
Création du groupe « La Fayette »
A Oran, après les combats issus de débarquement, les survivants du 2/5 (6 Curtiss H75 perdus pour 7 Wildcat US abattus) sont renforcés par les D520 du 1/3 et gagnent Fez. Le cessez-le-feu proclamé, le groupe, désormais commandé par le commandant Rozanoff, équipé de 10 H75 et 12 D520 se présente aux anglo-américains. Au cours des jours suivants le colonel américain Willis, un vieux pilote de l’escadrille des Sioux pendant la première guerre mondiale, tout ému de voir ses frères d’armes (l’insigne du groupe etant la tete de sioux) et de les savoir aussi âpres au combat, favorise la transformation du groupe sur Curtiss P40, dès le 25 novembre. Symboliquement, dans un but de propagande, le groupe touche 25 Curtiss P40F tout neufs. Un cadeau de Noël époustouflant, agrémenté le 23 décembre par l’annonce de la désignation officielle du GC 2/5 comme groupe « La Fayette ». C’est le premier groupe français réarmé et présenté officiellement à Alger, le 9 janvier 1943, dans une grande cérémonie où toutes les huiles sont présentes.
8. Les Lignes Aériennes Militaires (LAM)
Les voyages sur la ligne Damas-Brazzaville, longs de 6220kms au-dessus de régions désertiques et de forêts tropicales, exigent cinq jours à l’aller et trois au retour. Les vols sont réguliers, bimensuels et exigent 500h de travail à chaque retour à la base. Le personnel est en nombre dérisoire, leur dévouement et leur habilité est exemplaire. Les appareils, récupérés au Levant, forment une vraie flotte constituée de deux D338 (FL-AQB, FL-ARI), un F222 (FL-ARM), un F223.3(FL-AFM), un Potez540 (FL-ASM) et un Farman 4190 (FL-AUM).
Les alliés reconnaissent la ténacité des efforts des Français. L’arrivée de quelques hommes expérimentés de la compagnie AIR FRANCE dont Vachet, directeur du réseau Amérique du Sud, a renforcé leur confiance. En parallèle, le Général Valin poursuit toujours ses négociations avec les autorités américaines pour la livraison d’avions neufs. En juillet 1942, les LAM prennent en compte leur premier Lockheed C60 « Lodestar ». Après le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord, plusieurs compagnies aériennes civiles, jusque-là en sommeil, comme l’aéromaritime, reprennent leurs activités en Afrique et se joignent aux LAM.
C’est aux environs de Bangui que, l’un des D338 termine sa carrière, écrasé en brousse en novembre 1942.
Bibliographie : Voir 1945