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Historique

1940-1944  : Le temps de la collaboration avec les Allemands

La collaboration aéronautique instituée entre le IIIème Reich et le régime de Vichy favorise en partie la pérennité de ce secteur. Les Allemands installés dans la zone Nord demandent dès juillet 1940 de faire réparer leurs avions endommagés et d’achever les contrats français en cours.

En octobre, peu après l’entrevue de Montoire où le maréchal Pétain rencontre Hitler, la mise en œuvre d’une telle politique rencontre d’autant moins de réticences que personne n’imagine que l’Allemagne puisse perdre la guerre. Ceci permet de maintenir l’emploi dans ce secteur, d’éviter le transfert de machines-outils outre-Rhin et d’approvisionner en matériels neufs l’aviation de Vichy.

Début 1941, les deux parties parviennent à un accord en défaveur de Vichy à raison de cinq avions livrés en Allemagne pour un avion livré en France.  L’accord prévoit de livrer aux Allemands des Ju 52, des Ar 196, des Do24, des Do26, des Fw189, des Me108, des Si204, des Fi56 et des avions de conception Française des Po63, des MB 175, des MS 230 et des C447, soit un total de 2276 avions. En contrepartie, les français bénéficient de D520, de Leo451, de C447, de Loire 130, de LN411 et de Laté298.

  • Mais, en Mai 1942, les allemands accusent le régime de Vichy de n’avoir livré que 478 avions, de faire preuve de mauvaise volonté et de vouloir saboter l’accord.
  • En septembre 1942, l’occupant dénonce l’accord et réquisitionne les usines.
  • En novembre 1942, l’invasion de la zone sud, non occupée, suite au débarquement anglo-américain en Afrique du nord sonne la fin de la partie. Les Allemands récupèrent toute l’aviation de Vichy et toutes les usines aéronautiques de la zone occupée.

Le bilan total des livraisons à l’occupant, à la libération en aout 1944, a atteint 3600 avions et 11250 moteurs d’avions. Ce secteur aéronautique de la France de Vichy a représenté 50% des matériels de guerre cédés et a apporté une contribution non négligeable à l’effort de guerre nazi en permettant aux Allemands de diriger leurs efforts sur la production de bombardiers et de chasseurs plus performants.

 

1944-1945 : Le temps du redémarrage

La politique de sauvegarde de l’emploi

La démarche de Charles Tillon, nouveau ministre de l’Air depuis septembre 1944 du gouvernement provisoire de libération, s’inscrit clairement dans une optique sociale de sauvegarde de l’emploi plutôt que dans une logique financière. Il doit remettre au travail des dizaines de milliers de techniciens et d’ouvriers qui redoutent des licenciements massifs. Puis, ce ministre communiste oriente ses choix industriels dans 2 directions. La première consiste à redémarrer les chaines de montage abandonnées par l’occupant afin de construire des appareils de conception allemande tels que les Ju52, Si204, Fi 156, Bf108, Ar96, Fw190, Do24 et Ju88, rebaptisés respectivement AAC.1 « Toucan », NC701 « Martinet », MS500 « Criquet », NORD 1000, SIPA 10, NC900. La deuxième direction consiste à fabriquer des appareils français conçus pendant l’occupation tels que les SO161 « Languedoc », SO94 « Corse », SO30R « Bretagne », MS472 « Vanneau ».

Le plan industriel « 1944-1945 »

Mais le plan industriel « 1944-1945 » est gigantesque avec 5000 avions commandés et sur une trentaine d’avions différents entrainant une dispersion des ressources existantes. Nombreux sont encore en bois et toile et les avions commerciaux commandés (SO30R, Laté631, SE200) sont totalement inadaptés aux exigences actuelles. Les usines manquant de tout parviennent quand même au 4ème trimestre de 1944 à produire 95 avions (6 NC701, 5 Do24, 28 Nord1000, 51 MS500 et 5 AAC.1) passant une grande partie de leur temps à déblayer les décombres et à rassembler leurs personnels. La situation s’améliore en 1945 en produisant 924 avions faciles à construire mais reste très inférieure aux prévisions. Les vieux spectres d’avant-guerre réapparaissent : une production semi-artisanale et peu de coordination entre les motoristes, les équipementiers et les avionneurs.

 

1946: Le temps des premières restrictions

Le 28 janvier 1946, le nouveau ministère de l’armement dont Tillon prend la tête, après la suppression du ministère de l’air, décide de couper drastiquement dans les commandes du plan « 1944-1945 » suite aux réductions des budgets aux armées. Il doit penser à l’avenir et pour se faire le ministère entreprend d’utiliser les services secrets et les militaires pour partir à la chasse aux savants allemands comparable à celle que se livrèrent les Alliés.

La chasse aux savants

En effet les Allemands ne pouvant lutter contre la production industrielle des Alliés se sont lancés dans des recherches d’avant-garde tels que les moteurs à réaction, l’aérodynamisme à grande vitesse et l’électronique embarquée. S’emparer de ces secrets ferait gagner des années à la France. Ainsi, le service de la défense des intérêts scientifiques de la défense nationale, nouvellement crée, sillonne l’Allemagne et l’Autriche et récupère 330 avions, 6000 moteurs dont 120 à réaction (Me163, Me262, He162) des milliers de roulements à bille de précision, 4000 machines-outils, la soufflerie de Otztal et 80 tonnes de documentation technique importante. Environ 500 ingénieurs et chercheurs Allemands réputés sont aussi récupérés et répartis en France à la SNECMA, à la SNCASE, à l’ONERA et dans plusieurs autres laboratoires de recherche.

De Gaulle, constatant l’éparpillement de la recherche décide alors, d’une part de réorganiser le CNRS, crée en 1939, avec pour mission de donner l’impulsion nécessaire à la recherche fondamentale et d’autre part de créer l’ONERA (Office National d’Etudes et Recherche Aéronautiques).

 

Une nouvelle politique de prototypes

Suite à cet apport une nouvelle politique de prototypes nait tant dans les sociétés privées que publiques, insufflée par la DTI (Direction Technique et Industrielle).

Entreprises privées

  • LEDUC : avec un strato réacteur. Abandonné
  • LATECOERE : avec son hydravion hexamoteur Laté631 trop grand et son hydravion quadrimoteur Laté 521 trop lourd. Tous les 2 abandonnés
  • BREGUET :
    • Le BR 500 « Colmar » concurrent malheureux du SO30
    • Le BR 731, hydravion à long rayon d’action, 4 exemplaires construits
    • Le BR 890 « Mercure », transport bimoteur moyen. Concurrent malheureux du N2501 « Noratlas »
  • DASSAULT :
    • MD315 « Flamand » : 1er avion de Dassault retenu dans l’armée de l’Air. 325 exemplaires construits

Entreprises publiques

  • ARSENAL :
    • Travaille sur le VB10, dernier chasseur à hélice avec deux moteurs en tandem. Abandonné en 1948
    • Le VG70 : Prototype expérimental, 2ème avion à réaction français. Abandonné au profit du VG90.
  • SNCASE :
    • Le SE200 : hydravion civil hexamoteur, conçu en 1942 il est abandonné en 1946
    • SE2400 « grognard » : avion d’appui aérien biréacteur, abandonné
    • SE300 hélicoptère dérivé du Focke-Achgelis Fa223, trop fragile. Abandonné en 1950
  • SNCAN :
    • Le Nord 1500 « Noreclair » : bimoteur torpilleur ayant trop de défaut. Abandonné en 1949.
    • Le Nord 2100 « Norazur » : concurrent malheureux du S030
    • Le Nord 2500/1 « Noratlas » : bimoteur bipoutre de transport. 400 exemplaires construits
  • SNCAC :
    • Le NC700 : avion de transport léger dérivé du Siebel 204 allemand. Produit en série.
    • Le NC211 « Cormoran » : avion de transport lourd. Abandonné en 1948 car trop lourd.
  • SNCASO :
    • Le SO6000 « triton » : 1er avion à réaction français commandé à 5 exemplaires, abandonné en 1948
    • SO6020 « Espadon » : prototype d’intercepteur. Il est abandonné au profit du Dassault « Ouragan »
    • SO4000 : prototype de bombardier. Abandonné en 1951 mais servi de base pour le S04050 « vautour ».

 

La reconversion industrielle

Les considérables compressions budgétaires, décidées pendant les premiers mois de 1946 par le gouvernement peu-après le départ du général De Gaulle, vont remettre en question l’équilibre précaire des SNCA. La situation risquant de devenir explosive, les autorités entreprennent de les reconvertir vers d’autres activités satisfaisant aux besoins d’intérêt général. C’est un passage douloureux d’une industrie de guerre à une industrie de temps de paix. Les SNCA sont chargés de construire des carrosseries d’autobus et d’autorails, des réfrigérateurs et du matériel agricole de toutes natures. Les motoristes construisent des moteurs de camions et de tracteurs. La reconversion se passe de manière chaotique sans se soucier de préserver l’outil industriel pour un futur retour à l’aéronautique.

 

Le nouveau plan d’équipement quinquennal (1946-1951)

De son côté, Le général Bouscat chef d’état-major de l’armée de l’air, militant pour une puissante aviation de combat capable de disputer la maitrise de l’air et d’entreprendre des missions de bombardement stratégique, se trouve en parfaite opposition avec le gouvernement qui voit une aviation de protection des territoires d’outremer. L’état-major n’a donc le choix que de renforcer ses unités de police et de transport tout en bâtissant une force aérienne, pour le compte de l’ONU à base d’avions à réaction de type SO6000 « Triton » et SO 6020 « Espadon ».

Le nouveau plan d’équipement quinquennal (1946-1951) adopté en Aout 1946, peu avant le départ du général Bouscat, n’arrange pas la situation des entreprises car il ne comprend que 1200 avions dans une large gamme de types d’appareils. Le général Gérardot, successeur de Bouscat, admet, en confortant le plan, avoir pris des risques en le fondant sur des avions à réactions qui sont encore au stade de prototypes. Ce plan a d’autres insuffisances comme l’impasse faite sur les avions d’école de début et sur un avion de transport d’un tonnage supérieur aux Ju52 et aux C47. Seules les commandes du cargo lourd NC211 « Cormoran » sont maintenus.

Le déclenchement de la guerre d’Indochine en Novembre 1946 vient bousculer la politique de programmation notamment à cause de l’usure prématurée du matériel d’origine Américaine et Anglaise.

 

1947: Le temps des deuxièmes restrictions

Les budgets affectés à l’aviation sont encore réduits. Les effectifs et les commandes sont donc revus à la baisse. Les industriels accélérèrent leur reconversion en produits d’intérêt général pour remplir leurs usines.

L’arrivée d’André Maroselli, à la tête du nouveau ministère de l’Air reconstitué, insuffle un nouvel espoir. L’homme est énergique et s’attelle à une tache de redressement qui lui tient d’autant plus à cœur que cela lui permet de porter un coup politique au parti communiste, dont Charles Tillon est issu. Il demande donc à l’inspecteur général Pellenc un rapport sur l’industrie aéronautique tout en actant que la faillite des plans tenait aux objectifs trop ambitieux par rapport aux connaissances techniques des industriels. Il réorganise la DTI en renouvelant l’encadrement et toutes les SNCA en leur donnant des nouveaux administrateurs qui appliquent un plan de compression du personnel. Les personnels employés passent ainsi progressivement de 53500 à 45500 jusqu’en Mars 1948.

 

L’Armée de l’Air doute

Parallèlement, Maroselli s’applique à rassurer les militaires qui se posent des questions de plus en plus légitimes sur l’avenir des programmes d’avions de combat à réaction. Il décide que désormais les commandes sont assujetties au succès des essais en vol des prototypes et que les commandes seront limitées à 4 types d’avion de transport : Le NC211 « Cormoran », le Nord 2501 « Noratlas », le Breguet 890 « Mercure » et le MD315 « Flamand ».

Au milieu de 1947, l’état-major est de plus en plus inquiet. Le « Cormoran » transporteur lourd devient vraiment trop lourd, sa cellule se renforçant la charge utile ne dépasse pas 11,5 tonnes. Le SO6000 « triton » ne donne pas plus satisfaction : la fabrication a été arrêtée suite aux essais. Le SO6020 « Espadon » a une vitesse ascensionnelle rédhibitoire au regard de sa mission qui est d’intercepter des avions hostiles à haute altitude.

 

1948-1950 : Le temps des décisions

Au vu des déboires précédents, les dirigeants comprennent enfin qu’ils ne peuvent pas tout faire seul.

Les rapports des commissions d’enquête

Un 1er rapport, dit Pellenc, chargé de dresser un état objectif de la SNCASE, est remis à l’assemblée nationale en janvier 1948. Le bilan est désastreux : des erreurs de gestion, des nominations à des postes de direction de collaborateurs incompétents, un laisser-aller dans les rapports hiérarchiques, une mauvaise qualité des matériels produits, des défectuosités de toutes sortes, une politisation des employés. Dans un domaine plus technique, le rapport suggère également de porter les efforts de recherche sur la construction de grandes souffleries et de pousser les études sur les moteurs à réaction.

Un 2ème rapport, dit Chalandon, initié à la fin de 1947, arrive aux mêmes conclusions, préconise la réduction du nombre de sociétés nationalisées des cellules, et insiste sur le déséquilibre des 2 autres composantes de l’industrie aéronautique : celle des moteurs qui est suréquipée et celle des accessoires qui est sous-équipée.

L’Armée de l’Air au pied du mur

Les chefs militaires ne sont pas les derniers à critiquer avec la plus grande sévérité la qualité des matériels produits. Ils sont convaincus que dans l’immédiat la course aux performances est définitivement perdue. Ainsi, lors de la session parlementaire du 23 juin 1948, le ministre de l’air André Maroselli annonce son intention de s’adresser aux britanniques afin d’acquérir dans un premier temps des chasseurs d’interception puis d’acheter leurs licences de fabrication. C’est la seule solution pour opérer la soudure avec les matériels français dont la livraison est repoussée au mieux au début des années 50. Le contexte international, en voie de dégradation à cause de la politique russe, pousse également les militaires à agir dans ce sens au regard du matériel existant qui ne permet pas de pouvoir intervenir efficacement dans un conflit de grande ampleur. Le coup d’état procommuniste de Prague en Février 1948 marque une rupture entre l’Est et l’Ouest et le début de la guerre froide.

Quel avion choisir ?

En raison de l’insuffisance de ses ressources, l’Armée de l’Air ne peut construire une aviation spécialisée dans la défense du territoire et une autre destinée à l’appui des forces terrestres. Il lui faut constituer une masse de manœuvre polyvalente pour les 2 missions. Le choix se porte, après bien des débats passionnés sur le De Havilland « Vampire » en concurrence avec le Gloster « Meteor ». L’idée est d’utiliser le Vampire jusqu’à l’arrivée en 1952 de son équivalent construit sous licence en France, le SE535 « Mistral » avec un réacteur Nene construit également sous licence.

Marcel Dassault entre en scène

Préoccupé par l’échec prévisible du SO6020 « Espadon » et conscient de l’intérêt de s’équiper d’un chasseur de défense aérienne de conception nationale, l’état-major se tourne alors vers une entreprise privée. L’énergique Marcel Dassault, proche d’André Maroselli, se montre intéressé par l’idée et confiant de son savoir-faire sur le programme du MD315 « Flamand » se dit prêt à dessiner un avion dans un délai d’un an. Dès Février 1948, le ministère passe une commande pour un prototype du futur MD 450 « Ouragan ».

Réorganiser l’industrie aéronautique au plus vite

Un troisième rapport, dit Surleau, publié en mars 1949, enfonce un peu plus le clou. Il confirme les diagnostics précédents. Surleau, conseiller d’état, oblige le gouvernement à prendre des mesures d’urgence pour sauver ce secteur de l’industrie. Un projet de loi est déposé en avril 1949, quelques jours avant la signature du traité de l’Atlantique nord (OTAN ou NATO), préconisant une remise en ordre des SNCA, une meilleure coordination entre les branches et un retour de certaines activités dans le secteur privé.  La loi programme quinquennal de mai 1950, issue de ce rapport, propose un plan cohérent de redressement de l’aviation civile et militaire fondé sur des moyens financiers limités en se concentrant sur les recherches nationales indispensables et en tirant profit des techniques étrangères. Cette loi doit permettre ainsi de passer à une politique stérile de construction de prototypes à une production en grandes séries.

 

Source : Le fana de l’aviation HS n°18 L’aviation française 1944-1950 par Patrick Facon

 

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