Contexte historique
Un dramatique problème d’effectifs se pose aux Alliés, car l’armistice, signé en décembre 1917 puis la paix signée en mars 1918 entre la Russie et l’Allemagne, libère des troupes allemandes qui sont transférées sur le front occidental. C’est ainsi que vont se trouver face à face, 200 divisions allemandes à 36 compagnies par division contre 175 alliés dont 99 françaises à 27 compagnies par division. Cette infériorité numérique est atténuée, dans certaines mesures, par la mise en service, dans toutes les armes, d’un matériel abondant et de bonne qualité. L’aviation française atteint des sommets jamais vus avec le « Spad 13 » pour la chasse, le « Breguet 14B2 » pour le bombardement de jour et les « Salmson 2A2 » et « Breguet 14A2 » pour l’observation (pour ne citer que les meilleurs avions). En quantité, au 11 novembre 1918, il y a 11000 avions français, 22000 avions anglais et 22000 avions allemands.
Au début de l’année, un effort d’organisation va être fait pour mieux utiliser le matériel. Une école de chasse et de bombardem3600 en ligne.ent est créée afin que les pilotes soient immédiatement opérationnels quand ils arrivent dans leurs unités combattantes. Mais surtout, les hauts responsables ont repensé le rôle dévolu à l’aviation de chasse et de bombardement avec deux idées majeures. La première cheminait, depuis Verdun, mais n’avait pas pu être pleinement réalisée faute de matériels : celle de la concentration d’avions aboutissant à une action de masse. Pour se faire et grâce à la production industrielle, une réserve de 600 avions est constituée. La seconde était déjà appliquée, en 1914, avec les moyens de l’époque : celle de l’accompagnement des attaques terrestres en intervenant sur les objectifs du champ de bataille à la bombe et à la mitrailleuse, jouant le même rôle que l’artillerie et l’infanterie.
Pour atteindre ces objectifs, l’aviation va être profondément remaniée et regroupée en masse plus importante. Ainsi, la chasse va voir coexister des groupes de combat, mis à la disposition des commandants d’armée pour la protection des avions d’observation, et des escadres de combat (n° 1 et n° 2) relevant du GQG et utilisés pour les actions offensives. Une escadre de combat est composée de trois groupes de chasse à quatre escadrilles.
Quant au bombardement, contrairement à ce qui se pratiquait en 1917, les opérations diurnes sont complètement séparées des actions nocturnes. Deux groupements vont être constitués pour le bombardement de jour avec une escadre de chasse pour sa protection :
- L’un, ayant à sa tête le commandant Ménard, comprend l’escadre de combat n°1 (GC15, 18, 19) et l’escadre de bombardement 12 avec les GB 5, 6 et 9.
- L’autre, dirigé par le commandant Féquant est constitué par l’escadre de combat n°2 (GC11, 13, 17) et l’escadre de bombardement 13 avec les GB 3 et 4 (formée seulement en juin)
Le bombardement de nuit est assuré par l’escadre 11 du commandant Chabert composé de 4 GB dont deux réuniront des équipages français et italiens sur « Caproni Ca33 ».
Opérations militaires
L’année 1918 commence dans le calme sur le front occidental. Les alliés ont décidé de garder la défensive en attendant la participation effective des troupes américaines dans la guerre. Ils sont aussi dans l’expectative d’une offensive allemande sans savoir où elle va se produire. Celle-ci doit être décisive avant l’asphyxie de l’économie allemande provoquée par le blocus maritime et avant la participation effective du corps expéditionnaire américain.
L’offensive allemande
Pour percer les intentions de l’ennemi, l’aviation d’observation déploie une grande activité. Mais les allemands, ayant concentré en Picardie dès le début de l’année, des moyens de chasse considérables, l’aviation française se voit interdire l’accès des arrières adverses et ne peut renseigner le commandement sur les préparatifs de l’ennemi. Au moment de l’attaque allemande, le 21 mars, à la charnière des troupes anglaises et françaises, entre Arras et La Fère, le GQG reste désemparé car il s’attendait à une attaque en Champagne et l’aviation y avait été rassemblé. Les Allemands, aidés par leur aviation, percent le front et les alliés vont réagir en jetant en masse leur propre aviation en attendant les troupes de renfort. L’aviation va essayer de ralentir la progression des Allemands en harcelant les troupes au sol. René Fonck, as français, évoquera cette sorte de charge de l’aviation, véritable cavalerie aérienne dont le mordant ne peut empêcher l’avance qui, en deux mois et demi, enfoncent par trois fois le front. Les Allemands parviennent à 60 km de Paris, comme en 1914, et ce, après bientôt 4 ans de guerre !
Les succès des offensives allemandes s’expliquent par la supériorité de leurs effectifs et la détermination de vaincre à tout prix, mais aussi par l’utilisation d’une nouvelle tactique déjà expérimentée sur le front russe. Cette tactique d’attaque des lignes alliées, consiste :
- à rechercher l’effet de surprise en empêchant l’aviation d’observation de relever les prémices d’une attaque (cantonnements tous feux éteints dans les villages, convois de nuit),
- à utiliser une préparation d’artillerie violente et courte,
- à attaquer avec des troupes spéciales, entrainées à l’assaut et fortement armées,
- à exploiter rapidement la percée, en s’enfonçant dans les arrières de l’ennemi et en détruisant les postes de commandement et les lignes de transmission.
La troisième offensive, du 9 juin, est stoppée le 13 juin. Malgré la situation dramatique, l’armée garde le moral. Le général Foch, sous l’égide de qui le commandement unique de tous les alliés est enfin réalisé depuis le 14 avril, préconise les offensives partielles. L’aviation va voir se créer, le 14 mai 1918, la division aérienne sous les ordres du général Duval. Son but est de coordonner de façon efficace l’action de toute l’aviation de combat et de bombardement réservée au groupe d’armée de réserve (GAR) et en même temps de jeter les bases de la future organisation des masses d’aviation offensives. Le 15 juin, les 1e et 2e brigades aériennes sont formées et dirigées par le colonel Degoys (après son évasion d’Allemagne) et le commandant Féquant. La division aérienne intervient massivement lors des combats de juin.
Le 15 juillet, au moment du déclenchement de l’offensive allemande en Champagne, l’escadre 12 du commandant Vuillemin comprenant la totalité des bombardiers en état de vol, soit 88 « Br 14 », escortés par des « Caudrons R11 » bombardent les points de passage des troupes ennemies jusqu’au 18 juillet, date à laquelle l’offensive allemande est enrayée (147 tonnes lancées). L’aviation participe donc largement à la destruction de l’adversaire aussi bien sur les champs de bataille que lors des raids sur l’Allemagne. Ces derniers occasionnent des dégâts matériels aux installations industrielles mais aussi aux infrastructures civiles, ce qui affecte le moral des populations allemandes.
Paris et sa banlieue ont aussi subi des bombardements au cours du premier semestre, soit par la « Grosse Bertha », un canon à longue portée positionné à 60 km de la capitale, soit par les bombardiers « Gotha », raids que la défense antiaérienne et la chasse du camp retranché de Paris peuvent limiter, mais non empêcher.
La contre-offensive finale des Alliés
Non moins paradoxalement, les Allemands, malgré leurs succès n’ont pas un moral de vainqueurs, aussi bien sur le front qu’à l’arrière. C’est que l’Allemagne, durement touchée par le blocus ne peut plus soutenir le rythme de la production de masse qui donne un avantage écrasant aux alliés. Ses structures économiques se défont peu à peu. L’état d’usure extrême du chemin de fer pose au pays de si graves problèmes qu’il peut l’amener à la défaite. Il arrivera un moment où la production allemande ne parviendra plus à compenser les destructions. Cependant, en un suprême effort, les Allemands sortent d’excellents avions de chasse tels que le « Pflaz DXII », robuste, maniable, capable de rivaliser avec ses adversaires et le « Fokker DVII » version F doté d’une vitesse ascensionnelle exceptionnelle et de remarquables performances en altitude. Mais il est trop tard. Le 19 juillet 1918, les Allemands se sont repliés sur l’Ourcq, première phase d’un recul qui va se préciser à la fin du mois. C’est le reflux. La France commence à croire en la victoire, une victoire durement acquise, car les Allemands se défendront âprement et se replieront lentement jusqu’au 15 octobre sur des lignes fortifiées à l’avance en opérant d’innombrables destructions au cours de leur retraite. La guerre des tranchées est terminée, l’offensive reprend dont le poids principal retombe sur l’Armée française.
L’importance des livraisons en matériel permet d’agir massivement partout. La machine de guerre fonctionne à plein et livre en quantités importantes, artillerie lourde, chars d’assauts, avions. La division aérienne intervient dans toutes les actions aux prix de difficultés considérables dues aux conditions de la guerre en mouvement. En effet, les déplacements des grosses unités d’aviation sont compliqués par le manque de matériel roulant (voitures, tracteurs, camions) et les escadres sont parfois obligées d’abandonner sur place leur stock d’essence, de pièces de rechange et de bombes. Les terrains, suffisamment vastes et aménagés pour la chasse et le bombardement, ne sont pas faciles à trouver. Quoi qu’il en soit, les combats aériens resteront acharnés jusqu’au bout.
La révolution qui éclate en Allemagne, le 3 novembre 1918, amène les autorités à solliciter la fin des hostilités. L’armistice qui met fin à la guerre, laisse l’armée allemande durement éprouvée mais pas anéantie. Ce qui a permis à Hindenburg d’affirmer qu’il a été battu par Clemenceau plutôt que par Foch. Hindenburg veut ainsi rejeter la responsabilité de la défaite sur le gouvernement allemand.
Notons cependant que pendant la guerre, il y a eu un mouvement inverse du pouvoir en France et en Allemagne. En France, le pouvoir passa des militaires aux politiques et en Allemagne des politiques aux militaires. La faiblesse du gouvernement allemand en 1918 précipita et aggrava la défaite. Là-dessus Hindenburg n’a pas tort, même s’il parle en pompier pyromane, puisque c’est lui qui n’a cessé d’affaiblir le gouvernement.
Bibliographie
- Icare : l’aéronautique militaire française 1914-1918 tome 1 et 2 par Simone Pesquiès-Courbier